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23 nov 2024 | Dépôts de petites fleurs par les Strasbourgeois devant les adresses marquées "100 fleurs" |
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Jacques-Laurent Peirotes est né le il septembre 1869 à Strasbourg, au 56 de la rue de la Hohwarth. Il était le fils de Jacques Peirotes, menuisier à l'usine de Graffenstaden, plus tard chef de cintre au théâtre municipal de Strasbourg (Mothern 1845 - Strasbourg 1910), le petit-fils de Jacques Peirotes douanier, décédé à Salmbach, et l'arrière petit-fils d'un soldat de la Révolution, originaire de Carcassonne, installé à Altenstadt comme douanier après son mariage avec l'Alsacienne Marie-Eve Studer.
De famille catholique, le jeune Peirotes a été servant de messe. Il fréquenta l'Ecole primaire Saint-Jean.
Apprenti typographe, rue du Dôme à Strasbourg, il travaille ensuite dans l'imprimerie du journal "der Elsässer" puis fait un tour d'Europe à partir de 1887. Il exerce à Colmar, Munich, Brixen (Tyrol du Sud), Graz, Vienne, Luxembourg, Paris. Il aurait adhéré en 1885 au "Buchdruckerverband" (le Syndicat du Livre allemand) et en 1890 ou 1893 au parti social démocrate d'Allemagne. A Vienne, il milite au Parti socialiste autrichien et assiste à un meeting tenu par ENGELS et BEBEL. De son séjour à Paris, il conserve une bonne connaissance du français, assez rare chez les militants ouvriers d'Alsace avant 1918. Etabli définitivement à Strasbourg en 1895, il se marie en 1897 avec Lina MORGENTHALER (1873-1962) fille d'un employé des chemins de fer. Il habite d'abord chez son père, impasse de Schiltigheim, puis s'installe à la Robertsau, rue des Jardiniers tout d'abord, puis 5 allée Kastner, où il a acquis une maison.
Depuis la Révolution de 1848 et l'instauration du suffrage universel, une partie des classes populaires et de la bourgeoisie urbaine adhèrent aux traditions démocratiques républicaines et laïques de la Gauche française. A Mulhouse, à Bischwiller, à Strasbourg, quelques ouvriers se réclamaient du Socialisme avant 1870. L'essor du mouvement fut arrêté par l’annexion à l'Allemagne la Protestation nationale efface pour vingt ans la lutte des classes. Ce sont des ouvriers vieux-allemands qui introduisent le Parti social-démocrate dans les grandes villes, malgré la répression policière. A partir de 1890, le S.P.D. devient une des grandes forces politiques alsaciennes. Autour de lui se développent, concurrentes des organisations catholiques, tout un réseau d'institutions qui couvrent toute l'existence des milieux populaires : syndicats "libres", coopératives de consommation, clubs sportifs, chorales, groupes de jeunes et de femmes, associations de libres-penseurs, etc.. A Strasbourg les syndicats socialistes contrôlent aussi le Conseil de Prud'hommes et la Caisse d'assurance-maladie
En 1900, il entre comme rédacteur au quotidien socialiste strasbourgeois la FREIE PRESSE où il travaillait comme typographe depuis 1898. Dès 1901, il en devient le directeur politique. Cette fonction n' est pas exempte de risques; il est condamné à 4 mois de forteresse en 1905 pour avoir raillé l'infortune conjugale du roi de Saxe; il l'avait dépeint sous les traits de Ménélas victime des amours d'Hélène et de Pâris. Autodidacte, passionné de lecture et de bibliophilie, il suit des cours d'Histoires d'Alsace à l'Université. Orateur populaire(en dialecte), il préside la Fédération social-démocrate d'Alsace-Lorraine.
En 1902, il conquiert son premier mandat électif en entrant au Conseil Municipal de Strasbourg. Il y siège jusqu'en 1908. En 1907, il est élu Conseiller Général de Strasbourg (canton Sud). En 1911, il devient député à la Seconde Chambre du Parlement régional (le Landtag); il y représente la VIe circonscription de Strasbourg (Robertsau, Koenigshoffen, Cronenbourg, Montagne-Verte). Arrivé en tête dans la circonscription de Colmar-Munster-Wintzenheim, il s'est désisté en faveur du candidat démocrate. Il emporte cependant la circonscription de Colmar lors des élections au Reichstag de 1912. En 1914, il est réélu au Conseil Municipal de Strasbourg, où l'ensemble des partis s'impose la "proportionnelle volontaire" liste unique des partis au second tour. Peirotes préside les groupes socialistes du Parlement régional (16 députés sur 60) et du Conseil Municipal de Strasbourg (15 conseillers sur 36).
Aux leaders berlinois du SPD, Peirotes apparaît comme le chef d'un courant francophile face aux militants alsaciens d'origine allemande tel Boehl, député de Strasbourg, ou Emmel, député de Mulhouse Pour contrebalancer son influence, Bebel demande aux journalistes socialistes allemands Max Schneider (de Chemnitz) de venir l'assister à la rédaction de la Freie Presse de 1905 à 1910. Comme la majorité de ses camarades strasbourgeois, Peirotes n'est pas révolutionnaire. L'influence de l'orientation révisionniste des socialistes badois, qui accorde une grande importance à l'action parlementaire, à l'action municipale, aux acquis syndicaux s'ajoute à cet égard à l'admiration durable que voue Peirotes à la "synthèse jaurésienne", qu'il découvre lors du grand débat qui oppose, au congrès de l'Internationale Socialiste d'Amsterdam en 1904, les deux chefs socialistes français, Jaurès et Guesde sous l'opportunité d'une collaboration avec la gauche radicale bourgeoise. Peirotes reste sa vie durant un pragmatique.
Le journaliste radical-socialiste alsacien Lucien Minck écrira à son propos: "Peirotes était très éclectique dans le choix de ses conseillers, sans se préoccuper... de leurs opinions politiques, ayant à un point extraordinaire la faculté de discerner ce qui convenait de ce qui ne convenait pas, ne se fiant jamais, en fin de compte, qu'à lui-même. Autodidacte, il consultait volontiers (les intellectuels), mais ne tenait compte de leur avis qu'en tant qu'ils étaient des spécialistes en des matières qu'il avait conscience de ne pas connaître assez et où son bon sens lui permettait de reconnaître des difficultés ou des obstacles.."
Minck admire également ses qualités d'orateur et de polémiste:
"Je le vois encore... lorsque le gouvernement alsacien voulut (en 1914) supprimer la presse de langue française en Alsace, ce petit homme à face rouge, quelque peu bedonnant, conscient de sa superiorité, prendre la parole posément, sans s'emballer le moins du monde, et se moquer dans le vrai sens du terme du baron Hugo Zorn de Bulach (chef du gouvernement d'Alsace Lorraine) de Mandel (Chargé du Portefeuille de l'Intérieur) surtout... Et le voilà parti à dire toutes les âneries faites en Alsace Lorraine, avec une verve, une méchanceté, une ironie, qui abrutissaient nos gouvernants
Le 3 août 1914, Peirotes se prononce contre le vote des crédits de guerre par le groupe social-démocrate du Reichstag allemand. Son respect de la discipline de vote ne trompe pas les dirigeants du Parti, qui estime "qu'il reste français de cœur". En avril 1915, les autorités militaires allemandes le placent pendant quelques semaines en résidence forcée à Hannoversch-Munden. A son retour, il est écarté de la direction du journal mais continue ses activités politiques. Pendant la guerre le Haut Commandement ne tolère à Strasbourg de session parlementaire que tenue en comité secret. Ainsi, lors de la session de mai 1916 de la Commission du Budget du Landtag, il proteste contre le régime d'exception imposé par les militaires en Alsace et contre les projets de partage du Reichstag entre le Bade, la Bavière et la Prusse, et il réaffirme son option pour une république d'Alsace Lorraine dans le cadre du Reich.
Après avoir refusé un poste de sous-secrétaire d'Etat dans le dernier gouvernement alsacien-lorrain, formé par l'ancien maire libéral de Strasbourg, Schwander et le dirigeant du centre alsacien-lorrain Charles Hauss, Peirotes se prononce dès le 28 octobre contre un plébiscite en Alsace-Lorraine, contre la neutralisation du pays et pour le retour immédiat de la république française. Lorsque la révolution allemande de novembre s'étend à Strasbourg le 10 novembre, il se fait élire maire de Strasbourg (par le Conseil de 1914). Il est également membre du Conseil strasbourgeois des ouvriers et soldats: en cette double qualité, il proclame la république, Place Kléber. Le lendemain 11 novembre, il entre dans le Gouvernement de transition désigné par le Conseil National (nom que s'est donné la deuxième Chambre du Landtag). Pendant la semaine où le drapeau rouge flotte sur la Cathédrale, Peirotes s'emploie à lutter contre le courant révolutionnaire du Soldatenrat strasbourgeois dirigé par Thomas et Reinartz et à hâter l'arrivée des troupes françaises. Le 22 novembre, il salue à la Mairie, les "libérateurs de l'Humanité, les pionniers de la Démocratie et les vainqueurs de la tyrannie". Le 1er décembre 1918, il est élu vice-président de la Commission municipale nommée par le Haut-Commissaire de la République (Préfet) Maringer, pour remplacer le Conseil Municipal, dissout le 29 novembre. A la suite des démissions successives d'Ungemach et de Pfersdorff, il prend la présidence de la Municipalité provisoire le 15 avril 1919. En réalité, depuis janvier, il assurait de fait la direction des Services Municipaux dans cette période très difficile.
Première lettre reçue par Peirotes après l'armistice du 11 novembre 1918.
(Archives Peirotes - Photo: Graph)
Numéro spécial du journal dirigé par Jacques Peirotes pour le 1er mai 1914 avec le nouveau siège du Parti Socialiste de Strasbourg - 1 Rue de Bienne
(BNU Strasbourg)
Le 6 avril 1919, il est devenu président de la Fédération du Bas-Rhin du Parti Socialiste SFIO. En mai 1919, il est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur au titre la promotion de la Libération. Le 10 mai, il entre au Conseil Supérieur d'Alsace-Lorraine, organe consultatif placé auprès du Commissaire Général...
Le 30 novembre 1919, il est élu au Conseil Municipal de Strasbourg en tête d'une liste qui rassemblait tous les partis politiques, mais où la Gauche (Socialistes et Radicaux) était majoritaire. Il redevient Maire de Strasbourg le 10 décembre. Le 14 décembre, il est élu Conseiller Général du Canton Sud. Il est réélu en 1922, mais perd le siège en 1928.
Au Congrès socialiste de Strasbourg de mars 1920, tenu au Palais des Fêtes, il soutient les thèses réformistes de Léon Blum. Peu après, il perd l'appui de la majorité de la section socialiste de Strasbourg et de Charles Hueber, son secrétaire, acquis au Communisme. Après le Congrès de Tours (décembre 1920), il garde la présidence de la Fédération socialiste, reconstituée dès le 4 janvier 1921. En 1924, il devient, en même temps que Georges Weill, député du Bas-Rhin. Il est l'un des inspirateurs de la politique d'assimilation tentée par le Cartel des Gauches et le gouvernement Herriot. En mai 1925 à la tête d'une liste socialiste et radicale, il garde la mairie de Strasbourg. Il accentue ses efforts pour la laïcisation des services publics et du système scolaire. Il est réélu député de Strasbourg en 1928, avec le soutien des radicaux et des démocrates (Charles Frey). Lors du Procès de Colmar, sa position est assez nuancée. Il considère l'autonomisme comme une menace pour la paix mondiale "qui dépend avant tout d'un rapprochement des peuples allemands et français", mais il craint que la politique de répression mise en oeuvre par Poincaré ne crée inutilement des martyrs. Il souhaite une réforme administrative, communale et départementale, permettant une véritable décentralisation répondant aux nécessités d'un Etat moderne. En Alsace, Peirotes préconise le bilinguisme dans la vie publique, l'administration, l'école et la justice.
A Strasbourg, les deux mandats municipaux assumés par Peirotes marqués par une politique édilitaire active, mettant en œuvre un véritable "socialisme municipal", voie ouverte, il est vrai par le Maire de carrière d'avant guerre Rudolf Schwander élu grâce aux socialistes. Il a su consolider cet héritage et le développer. Les principaux instruments de cette politique sont les Offices Municipaux qu'il met progressivement en place: Office Municipal d'Hygiène, Office Municipal d'Habitations à Bon Marché, Office Municipal de Placement, Office des Jardins Ouvriers. Avec la création du Port Autonome, Peirotes s'attache également à la défense des intérêts économiques de la Ville. Pour le personnel municipal, il pratique une politique sociale exemplaire, le faisant bénéficier en particulier de l'échelle mobile des salaires. Dans le domaine scolaire il s'attache à limiter les effectifs à vingt cinq élèves par classe primaire. Des milliers de logements sont construits. D'importantes opérations d'urbanisme ont été menées à bien: les portes de la ville et une partie des fortifications sont démolies. Avec l'achèvement de la Bourse et de son quartier, la deuxième tranche de la Grande Percée est achevée. Alors qu'il n'existait en 1919 que trois terrains de sport à Strasbourg, ceux-ci vont se multiplier. L'Office de Placement créé en 1923 lutte contre le chômage et prend en charge les invalides de guerre et leur rééducation professionnelle. Sa gestion est marquée par la volonté de ne pas séparer la satisfaction des besoins élémentaires des classes populaires de leur promotion en particulier culturelle. Il patronne la création de l'Université populaire et projette l'implantation d'une École nationale des Arts et Métiers. Cette politique extrêmement active a été largement favorisée par le maintien de la loi municipale locale de 1895 qui attribue des compétences très larges aux grandes communes et leur ouvre tout le champ de l'intervention économique. Peirotes se bat non seulement pour le maintien de cette législation en Alsace et en Moselle, mais pour son extension à l'ensemble du pays.
"Entraver l'autonomie des villes, c'est rendre inutilisables les forces vivantes qui s'y trouvent et qui sont aptes à collaborer à la besogne administrative municipale; c'est accabler d'une surcharge de travail et de complications inévitables les administrations centrales qui sont les moins appropriées à trancher les questions locales".
Renforcer les compétences municipales contribuera à la démocratisation du pays.
Peirotes insiste sur l'attribution de compétences économiques aux municipalités:
"..... les villes ont besoin du droit de gérer en régie tous les établissements de nature industrielle ou commerciale, par lesquels un service public est assuré et qui ont la tâche de satisfaire un besoin collectif de la population. Car l'évolution de la vie communale démontre suffisamment qu'il y a, à la base de nos institutions municipales, non plus comme autrefois, des attributions du domaine de la police, mais plutôt le principe social. Ce principe social est en jeu dans tous les cas où un établissement, donnant satisfaction à un besoin collectif, prend le caractère d'un monopole. Il est inévitable de monopoliser les transports en commun, l'approvisionnement en eau, en gaz, courant électrique, abattoirs, nettoiement de la voie publique etc.. Mais il est incompatible avec le devoir de la ville moderne de laisser à des entreprises privées l'exploitation de ces monopoles qui sont créés uniquement par la collectivité, par le fait de l'agglomération des habitants en grand nombre".
Ainsi, le socialisme municipal de Peirotes trouve son fondement matériel dans les transformations de la ville moderne et est pour lui de l'ordre des nécessités objectives.
La persistance du "malaise" alsacien dans la "génération sacrifiée" facilite le développement de l'autonomisme. Le socialisme assimilationiste en subit le contre-coup électoral: en 1928, Peirotes perd son siège au Conseil Général; en 1929, U.P.R., Communistes et Autonomistes coalisés lui prennent la Mairie. Il siège encore au Conseil Municipal, mais son état de santé le contraint à se retirer de la vie politique active à la veille des élections législatives de 1932.
Il passe alors le plus clair de son temps dans la maison qu'il avait achetée à Lichtenberg où il se consacre à la rédaction de ses souvenirs. Il y meurt le 4 septembre 1935.
Auteurs :
François Igersheim
Jean-Claude Richez
et Léon Strauss
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